Le Digital Services Act : un texte utile mais pas suffisamment ambitieux !
La lutte contre la prolifération de produits illicites sur Internet est un combat que mène le Comité Colbert depuis des années. La mise en place du Digital Services Act par les instances européennes constituait donc une opportunité d’obtenir la mise en place de mécanismes efficaces pour réviser le régime de responsabilité limitée des intermédiaires de l’Internet.
Dans ce contexte, le Comité Colbert s’est engagé avec de nombreux alliés européens dans une mobilisation intense des décideurs à Bruxelles pour assurer une meilleure protection des consommateurs et des entreprises contre les contrefacteurs qui utilisent impunément Internet pour leurs activités illicites.
La construction de la législation a commencé avec des consultations publiques en 2020 et les débats entre les différentes parties ont été intenses. La présidence française du Conseil de l’Union européenne a finalement mis un coup d’accélérateur au processus et après plus de 16 heures de débat, un accord politique de principe a été obtenu samedi 23 avril 2022 ouvrant la voie à la mise en place du nouveau règlement à partir de janvier 2024.
Bien que des ajustements fassent l’objet de négociations dans le cadre de dernières réunions techniques, on peut désormais faire une première analyse de l’impact de ce texte obtenu après des négociations longues, dures et incertaines jusqu’au bout. Le DSA n’est pas parfait, loin s’en faut, mais de nombreux écueils ont pu être évités afin d’obtenir un texte qui renforce les obligations des places de marché en ligne pour mieux lutter contre la contrefaçon.
Le Comité Colbert se félicite notamment de :
- l’obtention, à la toute fin des négociations, du statut de « trusted flaggers » aux titulaires de droits, reconnaissant ainsi leur expertise. Ce statut leur octroie dans la loi un traitement privilégié (plus rapide et moins contraignant) par les plateformes lorsqu’ils leur adressent des notifications pour retirer des annonces frauduleuses.
- la nouvelle obligation imposée aux places de marchés en ligne de vérifier l’identité des vendeurs professionnels qui utilisent leurs services (l’obligation « Know-Your-Business-Customer »). Il s’agit d’une autre avancée mais elle se limite aux plus grandes plateformes ce qui en réduit considérablement sa portée.
- l’introduction d’une obligation supplémentaire de diligence imposée aux places de marché en ligne de faire des efforts raisonnables pour empêcher les produits illégaux d’apparaître sur leurs services, y compris par des contrôles aléatoires pour vérifier si les produits ont été identifiés comme illégaux dans les bases de données officielles disponibles, ce qui n’était pas prévu dans la proposition de la Commission.
- l’obligation supplémentaire faite aux places de marchés d’informer les consommateurs qu’ils ont acheté un produit illégal après s’être rendu compte de son illégalité.
Notre action ne s’arrête bien sûr pas là et nous continuons notre mobilisation pour obtenir des avancées complémentaires dans le cadre d’autres réglementations.
Nous serons à ce titre particulièrement vigilants sur la mise en place de la EU toolbox against counterfeiting, en cours de préparation par la Commission européenne dont l’objectif est de préciser les rôles et responsabilités des titulaires de droits, des intermédiaires (plateformes en ligne, services de paiement et de transport, registres des noms de domaine/bureaux d’enregistrement, etc.) et des autorités publiques. Cette initiative sera l’occasion de chercher à obtenir des avancées supplémentaires avec notamment la suppression définitive des contenus illicites afin de s’assurer qu’une annonce retirée ne réapparaisse pas immédiatement, une demande qui n’a malheureusement pas été entendue dans le cadre du DSA.