mars 2023, Comité Colbert

De l’activisme de marque à la prise en compte de l’intérêt général

Finie la neutralité du moins, place à « l’activisme de marque ». Cette notion désigne l’implication active dans ce qui se passe dans le monde. Franchir cette étape dans la communication de son ethos serait
« une évolution naturelle » pour aller au-delà des normes de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ou de l’engagement sur des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance
(ESG), expliquent Philip Kotler et Christian Sarkar.(1)
À leurs yeux, c’est devenu un critère de différenciation plus important que la fonctionnalité ou la qualité des produits, en particulier auprès des jeunes générations. Plus accoutumées à communiquer sur leurs collections et leurs savoir-faire par le passé, les marques se sont jetées à l’eau, prenant position sur des sujets variés, des droits des femmes à la lutte contre le racisme en passant par le sauvetage des océans ou la défense du patrimoine, comme en témoigne le dernier rapport RSE du Comité Colbert consultable en ligne.(2)
Dans la mode, par exemple, certains vêtements et défilés à message ont marqué les esprits. Dès sa première collection pour Dior, Maria Grazia Chiuri a mis en avant ses convictions féministes en affichant le slogan « We should all be feminists » (« Nous devrions tous être féministes ») sur un teeshirt devenu emblématique de la marque. À l’automne dernier, en pleine Fashion Week, les mannequins de Balenciaga sont venus rappeler l’horreur de la guerre en défilant dans la boue à l’instigation du directeur artistique Demna Gvasalia, par ailleurs ambassadeur d’une plateforme de collecte de fonds pour la reconstruction de l’Ukraine, United24. De jeunes créateurs engagés tels que Marine Serre, dont le fil rouge est l’upcycling ! (3), annoncent les thématiques qui montent : la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de  biodiversité, ou encore le bien-être animal. Chanel l’avait anticipé en devenant, en 2018, la première marque de luxe à renoncer à l’utilisation de peaux exotiques. De son  côté, Kering a annoncé à l’automne 2021 qu’il cessait d’utiliser de la fourrure pour toutes ses marques. Le philosophe Gilles Lipovetsky voit dans ces prises de position le signe d’un changement radical de la place du luxe dans la société.
« Pendant très longtemps, et encore dans les années 1960, le seul souci du luxe était de créer de nouveaux modèles pour une élite, et on parlait même de diktat de la mode, car celle-ci n’écoutait personne ! Aujourd’hui, l’universdu luxe n’est plus ce petit monde fermé : visible  par tous et présent partout, il a compris qu’il fallait écouter la société dans son ensemble et assumer ses responsabilités sociétales. »
Une particularité des groupes de luxe français est d’avoir mis leur puissance ou leur argent au service de causes d’intérêt général sans rapport avec leurs activités, et sans attendre l’interpellation des citoyens. Personne n’a oublié, lors de la pandémie de Covid-19, la mobilisation des marques réorganisant leurs lignes de production pour fabriquer gel hydroalcoolique et masques. Grands mécènes du XXIe siècle, les grandes Maisons et leurs propriétaires ont créé de nombreuses fondations et musées, à commencer par la Fondation Cartier pour l’Art contemporain créée en 1984. Des lieux où la culture s’offre à tous et où les idées circulent.

1. Philip Kotler et Christian Sarkar, in Brand Activism: from Purpose to Action (Idea Bite Press, 2021).
2. « Nos engagements RSE », comitecolbert.com.
3. Ré-génération, Quelle mode pour le monde d’après ?, Marc Abélès en conversation avec Marine Serre (Éditions de l’Aube, 2022).

Photo : ©BALENCIAGA