Un cercle vertueux entre fidélité et désirabilité
Si la rentabilité et la croissance des marques ne sont que la « conséquence » de leur désirabilité, explique Bernard Arnault dans Le Figaro Magazine (26 juin 2023), que l’on ne s’y trompe pas. Cette notion a bel et bien une « valeur » financière, montre Jean-Philippe Bertschy, analyste chez Vontobel(1). Les performances des groupes de luxe ces cinq dernières années révèlent, selon lui, « une très forte corrélation entre la désirabilité d’une marque et la croissance de son chiffre d’affaires, la croissance du flux de trésorerie disponible et en fin de compte, la création de valeur pour les actionnaires ». Parvenir à vendre et produire davantage permet en outre de redéployer les économies d’échelle « dans le capital marque, l’innovation produit, le réseau de distribution, y compris en ligne, l’expérience client ou les projets de durabilité ». Un must. L’importance d’être désiré est confirmée par l’existence de nombreux baromètres : quelles sont les marques les plus puissantes, les plus influentes, les plus populaires du moment, les plus appréciées en Europe, les plus désirables en Chine ? Se hisser et se maintenir au sommet est loin d’être anecdotique. Ces classements consacrent le statut de « love brands » (ou « lovemarks » au sens du publicitaire Kevin Roberts), c’est-à-dire « la capacité à créer une relation émotionnelle et affective forte avec ses clients, quasiment amoureuse », analyse Céline Gendry-Morawski, directrice en stratégie de marque du Studio La Racine et auteure d’une thèse consacrée à la désirabilité(2). « Un tel lien nourrit l’idée que les marques appartiennent à ceux qui les aiment et il engendre une fidélité au-delà de la raison. » Présentant l’étude de Bain & Company sur le marché du luxe en 2023, l’associée Claudia D’Arpizio a néanmoins jugé le moment clé face aux nombreuses turbulences. Si les dépenses mondiales ont battu un nouveau record (à 1 500 milliards d’euros en 2023), elles se portent de plus en plus vers un luxe d’expériences. Une confirmation des conclusions de l’étude The True-Luxury Global Consumer Insights(3) dans laquelle 40 % des clients se disaient prêts à transférer leurs achats sur ce poste(4). La reprise post-pandémie de la vie sociale et du voyage n’a fait qu’accélérer la tendance. Pour l’analyste de Bain, « les gagnants se distingueront par leur résilience, leur pertinence et leur renouveau – bases de la nouvelle équation d’un luxe centré sur la valeur ».
©HERMÈS
1. In « Marques à forte désirabilité, un must de 2023 », tribune sur le site du magazine économique suisse Bilan, 26 mai 2023.
2. « Manifeste pour la désirabilité des marques enseignes françaises », Executive MBA de l’Institut français de la mode.
3. Étude conduite par le Comité Colbert, Altagamma et BCG, septième édition publiée en novembre 2020.
4. comitecolbert.com/app/uploads/2020/12/true-luxury-global–consumer-insight-2020.pdf.