Rendez-vous avec Valérie Messika, fondatrice et directrice artistique de Messika
“Notre développement aux Etats-Unis est très prometteur”
Entrée au Comité Colbert en janvier 2025, la Maison de joaillerie parisienne nourrit de grandes ambitions en Amérique du Nord. Elle ouvrira une boutique à New York en mai et vient de nommer un PDG en charge de cette zone géographique.
Quel est votre principal enjeu en ce début 2025 ?
Notre priorité reste le déploiement à l’international en nous entourant des bonnes personnes, avec l’ambition de faire rayonner l’ADN singulier et familial de notre Maison dans nos filiales aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, au Japon, en Chine et à Hong Kong. Avec 90 boutiques dans le monde et 450 revendeurs, la Maison est désormais présente dans quasiment tous les pays, de l’Australie à l’Inde où nous sommes en train d’ouvrir notre première boutique à Mumbai avec un partenaire local.
Avez-vous d’autres projets d’ouvertures ?
Oui, nous inaugurons une boutique sur Madison Avenue, à New York, en mai. Notre développement aux Etats-Unis est très prometteur et nous venons d’ailleurs de nommer un Pdg pour l’Amérique du Nord, auparavant directeur général de Richemont dans cette zone. L’Asie fait aussi partie de nos priorités. Nous avons organisé en novembre notre premier évènement en Chine autour de la haute joaillerie, une étape importante pour nous. Nous avons une dizaine de boutiques et une super équipe sur place. Notre marque ne bénéficie pas encore d’une notoriété et d’un ancrage très forts, mais nous sommes patients et continuons d’y investir, même si le marché est difficile en ce moment.
La France reste-t-elle votre premier marché ?
Toujours, et nous sommes fiers de la fidélité et de l’attachement de la clientèle française à nos bijoux qui parlent à toutes les femmes quel que soit leur âge et leur région. La résilience en France de notre Maison après le covid en est une belle preuve.
Votre croissance vous a-t-elle conduit à étoffer vos effectifs ?
Absolument, le chiffre d’affaires de Messika a triplé en 3 ans, entre 2021 et 2024, et les effectifs ont doublé. Nous comptons à présent près de 500 collaborateurs. Ces dernières années, nous nous sommes dotés d’un chef des opérations, le pôle social media a également été musclé et nous avons renforcé les équipes de nos 5 filiales à l’international. Nous avons cherché à nous entourer de personnes avec une expérience acquise dans des maisons plus importantes que la nôtre, à l’instar de notre directeur de l’atelier et de la production, venu de Cartier. Nous venons également d’annoncer l’arrivée de notre nouveau Chief of Brand qui supervise la Communication et l’image de la Maison. Il est important pour moi de renforcer l’allure irrévérente de la marque.
Pourquoi être entrée dans la haute joaillerie après avoir démocratisé le diamant ?
Une fois confiante dans notre expertise, je me suis sentie moins intimidée : j’avais accès à des pierres exceptionnelles grâce à mon père, l’un des principaux négociants de notre industrie depuis plus de 50 ans. Alors pourquoi ne pas élargir l’aura et la renommée acquises dans nos bijoux avec des créations uniques et spectaculaires ? La haute joaillerie possède la même légèreté, la même vibration : nos bijoux épousent la peau comme une étoffe et accompagnent le mouvement jusqu’à se faire presque oublier, quel que soit le nombre de carats. Cette approche a rencontré très vite un énorme succès. Ouvert il y a une dizaine d’années, notre atelier de joaillerie fine et de prototypage développe nos parures d’exception pour le défilé de notre maison depuis 5 ans.
Comment abordez-vous le sujet de la traçabilité et la certification de vos bijoux ?
J’ai beaucoup de chance car la majorité de l’approvisionnement de la Maison en diamants provient de mon père qui me garantit cette traçabilité. Ils sont issus de son atelier de taille créé en Namibie, même si nous avons aussi quelques pierres issues d’autres terres minières afin de garantir une forme de diversité. Grâce à cette verticalité, nous sommes fiers de figurer parmi les rares acteurs du secteur à pouvoir revendiquer une traçabilité de la mine au client final. En outre, nous avons mis en place un certificat avec la société Sarine Technologies Ltd qui garantit la traçabilité des pierres de nos solitaires. Quant à notre or, il est éthique et la prochaine étape consistera à passer au standard Fair Trade. La RSE est un enjeu essentiel pour nous. L’objectif est que, progressivement, tout notre stock de produits soit traçable à 100%, c’est en bonne voie.
Que pensez-vous du diamant synthétique ?
Simple photocopie de son alter ego naturel, le diamant synthétique n’en n’a ni la magie, ni la rareté. Son cours s’est d’ailleurs effondré ces dernières années. Il y a encore quelques années, l’écart de prix avec le diamant naturel s’établissait à environ 30%. Aujourd’hui, le diamant synthétique vaut presque 10 à 15 fois moins. En outre, le diamant de synthèse n’est pas si vertueux, sa fabrication étant très énergivore.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
L’inspiration est vraiment partout, il suffit d’avoir des yeux pour regarder le monde et de les exercer. Quand je dis partout, cela peut être en se promenant dans la rue, en traversant Paris à moto, en observant une personne, une attitude, une façon de porter des bijoux. J’ai la chance de voyager à travers le monde, l’architecture, la mode mais aussi les différentes cultures et les rencontres sont très inspirantes pour moi. La force de notre Maison est justement d’être ancrée dans son temps. J’aime créer des bijoux contemporains qui aspirent à devenir intemporels.
Réfléchissez-vous à vous diversifier ?
Nous y travaillons car j’adore m’exercer à plein de choses : la décoration, l’horlogerie, la mode…Mais je suis d’un caractère plutôt prudent et tout est une question de timing. Même si j’ai reçu des propositions de collaborations, je préfère me donner le temps de la réflexion avant d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de Messika.
CREDITS PHOTOS :
Valérie Messika – Portrait © Nicolas Gerardin
Messika Paris – Bangles Move Noa © Serge Paulet