RA 2021 Le luxe au temps de la réinvention – Réinventer le commerce et la relation client
Avec les fermetures de boutiques dans le monde entier et les écrans des smartphones pour remplacer les vitrines, la période Covid s’est traduite par un doublement en deux ans de la part de l’e-commerce dans les ventes mondiales de produits de luxe. Le commerce en ligne représentait 22 % des chiffres d’affaires en 2021 et pourrait devenir le premier canal de vente dès 2025, selon le cabinet Bain. Résultat : la relation client connaît une métamorphose sans précédent. Les conseillers de vente ont le premier rôle dans cette réinvention. C’est à eux qu’est revenue la mission de renforcer le lien entre les marques et leurs clientèles locales pendant les confinements. Ils se sont mués en véritables femmes et hommes- orchestres, tour à tour stylistes personnels, voire confidents, conteurs de l’histoire et transmetteurs des valeurs et des engagements des Maisons. Désormais, ils doivent se montrer capables d’expliquer comment est fabriqué un sac, ce que contient une crème de soin ou dans quelles conditions l’or d’un bijou a été extrait, mais aussi de participer à l’animation d’événements digitaux. Si la fonction des vendeurs sort véritablement « augmentée » de la pandémie, cela a été rendu possible par les outils digitaux et les données clients, a expliqué Michael Burke, le PDG de Louis Vuitton. « Nous sommes entrés dans la crise avec 450 magasins, nous en sommes sortis avec 10 000 magasins en responsabilisant chaque vendeur lorsqu’il était coincé chez lui, grâce à un logiciel écrit en dix jours qui a permis à chacun non seulement d’interagir avec les clients, mais aussi de conclure la transaction. » En deux semaines, chacun de ces 10 000 conseillers de vente s’est ainsi transformé en gérant de magasin. En cassant de nombreux codes établis du commerce, la pandémie aura donc changé pour toujours le profil des vendeurs, ainsi que la façon de les recruter et de les former.
Que va devenir le magasin physique dans ces conditions ? « Il faudra que l’offre reflète une véritable curation, à la façon d’une ligne éditoriale affirmée, et que ces lieux deviennent des sources d’inspiration et de ressourcement face au trop-plein d’informations digitales », juge Marie-Hélène Prévot, fondatrice de l’agence de stratégie retail Tribe22 à Hong-Kong. Quand le monde recommencera à voyager librement, plus question en effet de retrouver la même chose partout, dans des boutiques déclinées à l’identique. La surprise pourrait venir de pop-up éphémères et de surfaces modulables sur le modèle « white box » des galeries d’art – dont l’espace dédié aux jeunes labels par la Samaritaine, côté rue de Rivoli, fournit un exemple. Conseil personnalisé, services d’entretien, de revente et d’achat d’occasion, voire de location font aussi partie des propositions attendues. « À la limite, la boutique physique pourrait bientôt se résumer à ses services », suggère Alphonse Sarthout, cofondateur de l’agence d’architecture Ciguë. C’est l’idée qui sous-tend son concept de boutiques, pour John Lobb : « Placée au centre, une capsule de services d’entretien et de personnalisation des chaussures fait penser à une valise que l’on pourrait emporter partout, chez le client par exemple. »
Photo : ©LANCÔME