Rendez-vous avec David Sinapian, Président du Groupe Pic
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“La Dame de Pic Paris déménagera dans un bâtiment iconique de la capitale en 2026”
Entrée au Comité Colbert en 2022, la Maison Pic entend donner à sa table parisienne une adresse où sa cheffe triplement étoilée, Anne-Sophie Pic, pourra pleinement s’exprimer. Le restaurant de Londres, le dernier au sein d’un hôtel Four Seasons, fermera le 15 février mais plusieurs ouvertures en partenariat se profilent cette année en Asie.
Pour une Maison aussi titrée que la vôtre, que valent de nouvelles étoiles et distinctions, dont celle de meilleur restaurant du monde par Tripadvisor Best of the Best en 2024 ?
La reconnaissance par des tiers est toujours valorisante pour nous et nos équipes. On ne s’engage pas pour décrocher des étoiles mais cela permet de se situer au niveau d’un territoire et d’établir un cursus de progression. Obtenir les 3 étoiles Michelin comme l’a réussi Anne-Sophie Pic pour notre table à Valence, c’est le Graal, et en tant qu’entreprise, cela ouvre les portes pour se développer. C’est aussi une fierté et une motivation pour notre Maison quand Gault&Millau décerne, comme il vient de le faire, 3 toques à notre restaurant de Dubaï et désigne sa cheffe Justine Ravetti, un « bébé Pic » formée à Valence, parmi les grands talents de demain.
Votre partenariat avec Four Seasons s’achève, celui avec Dior se déploie. Quelle est votre approche en la matière ?
Nous possédons en propre nos établissements de Valence et le restaurant de Paris. Les autres adresses de notre collection sont installées sous forme de contrats de consulting de 3 à 5 ans, renouvelables. Nous avons quitté Megève et Singapour en 2024, et La Dame de Pic Londres ferme après 8 ans car nous nous posons la question, à chaque fin de contrat, de savoir si l’on est toujours alignés en termes d’objectifs avec notre partenaire. A Lausanne, le Beau-Rivage Palace a démontré son engagement à nos côtés en rénovant le restaurant en 2024 et nous poursuivons notre collaboration depuis 2009. Chaque partenariat est différent, la fin d’un projet n’est pas un échec, c’est juste la fin d’une belle histoire. Nous sommes actuellement en discussions avancées pour de nouveaux projets en Asie et en Europe.
Quelles seront vos prochaines ouvertures ?
En 2025, un restaurant gastronomique ouvrira en Asie avec un nouveau partenaire. Après trois premiers cafés Dior, d’autres jolis projets supervisés par Anne-Sophie Pic seront inaugurés en Asie cette année. Autre événement très important pour nous, nous allons déménager La Dame de Pic Paris dans un bâtiment iconique de la capitale début 2026, où Anne-Sophie Pic pourra exprimer pleinement sa personnalité et sa créativité.
Comment personnalisez-vous l’expérience dans vos restaurants ?
L’émotion est au cœur de notre ADN, nous réfléchissons en permanence aux façons de la créer. On ne vient plus dans de grands restaurants pour manger mais pour vivre une expérience unique. Ce parcours commence dès la réservation. A Valence, par exemple, nous allons chercher les clients à leur table et les installons à une table d’hôte au sein de la cuisine sans qu’ils s’y attendent. Ils passent de l’ambiance feutrée de la salle à l’énergie d’une ruche. Anne-Sophie Pic les accueille et explique le plat qu’elle leur fait déguster. Certains convives sont émus aux larmes. Nous sommes en train d’imaginer un lien avec la cave, le jardin… En s’adaptant aux possibilités du lieu, l’idée reste de casser le rythme du service classique. Et pour notre clientèle de proximité, récurrente, nous construisons des formules sur-mesure en écoutant leurs souhaits.
Quel est le rôle du nouveau laboratoire de Valence dans votre processus d’innovation ?
Les limites du premier laboratoire, un espace de 30 m2 au sein de Maison Pic, étaient atteintes. Le Pic Lab dispose d’une équipe dédiée de 3 personnes et d’un espace de 150 m2 avec plusieurs îlots de travail. Il permet d’accueillir jusqu’à 4 chefs à la fois. Nos pôles R&D de cuisine et pâtisserie ont rejoint ces locaux. Anne-Sophie Pic dispose ainsi de son univers, ses outils. Cela change sa vie et celle de ses équipes et permet de garder un rythme de création continu, sans interférer avec le restaurant.
Les enjeux RSE influencent-ils votre approche du sourcing ?
Avant toute ouverture, il faut identifier les ingrédients et les producteurs avec lesquels travailler. A Valence, nous sommes sur un territoire prolifique, riche en cultures locales telles que l’ail noir dont la Maison se fait l’ambassadrice. Cette proximité est favorisée mais sans s’interdire de travailler avec du poisson de Méditerranée ou d’Atlantique ni des épices issues de pays plus lointains car ces ressources font vivre de nombreuses familles. Notre menu unique permet en outre de privilégier l’ultra-saisonnalité : un produit en fin de saison est remplacé par un autre.
Pourquoi lancer une boisson pétillante sans alcool, Uzumé ?
Anne-Sophie Pic a commencé à s’intéresser au développement de produits comestibles en 2011, avec des confitures, des thés, des poivres imprégnés avec différents alcools… Un mixologue nous a rejoint depuis 5 ans et la création liquide se fait en parallèle à la création solide, afin de proposer un accord avec les mets. La mise en bouteille d’une boisson sans alcool servie à nos tables est toutefois une première. Il y a une forte attente de ce côté. Nos ventes de vin ne baissent pas pour autant car cela s’adresse à des clients qui n’auraient pas commandé d’alcool ou souhaitent mixer les deux pour alléger leur repas. Après la refonte de notre site web, en cours, Uzumé et notre épicerie seront commercialisés en ligne. Nous réfléchissons aussi à des lignes de linge et de vaisselle.
Comment faites-vous face au défi RH, majeur dans la restauration ?
Nous avons mis en œuvre un vrai engagement pour faire du Groupe Pic un employeur attractif en proposant des parcours évolutifs aux collaborateurs grâce aux opportunités dans nos restaurants internationaux, tout en renforçant l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Nous fermons notre restaurant de Valence les dimanches et lundis et du 20 décembre au 20 janvier. Nous adaptons aussi le planning des jeunes mamans et avons mis en place une gestion des heures de travail très rigoureuse. Ces mesures aident à garder les jeunes plus longtemps. Nous avons aussi besoin de l’expérience des plus anciens, c’est un équilibre.
Des ambitions particulières pour 2025 ?
Une étoile verte Michelin pour notre table de Valence serait une belle reconnaissance du travail RSE dans lequel nos équipes sont engagées depuis longtemps. Et nous ne cachons pas notre ambition, après la rénovation du Restaurant Pic au Beau-Rivage Palace, d’aller chercher une 3ème étoile à Lausanne.
CREDIT PHOTO :
Portrait David Sinapian-©Anne Emmanuelle Thion