Rendez-vous avec Patrick Morlière, directeur général de la Maison du Chocolat

« Nous sommes les pionniers d’un chocolat durable et désirable »
Nommé en décembre dernier à la tête de l’entreprise, Patrick Morlière entend poursuivre l’esprit avant-gardiste de son fondateur qui, dans les années 70, décida d’adopter les codes du luxe pour fonder sa chocolaterie.
En 1977, Robert Linxe choisissait de bouleverser l’univers du chocolat en créant sa propre maison. Comment l’a-t-il pensée ?
Pour saisir le côté visionnaire de sa démarche, il faut tout d’abord se rappeler le monde du chocolat de l’époque, très traditionnel et très académique. Robert Linxe était très inspiré par la mode de son temps, avec ses audaces et sa créativité. Cette influence l’a guidé pour penser le chocolat d’une façon totalement neuve, en travaillant des recettes et pas seulement des origines, avec une démarche proche de l’œnologie puisqu’il imaginait ses assemblages de chocolat comme des assemblages de vin. Dans le même temps, il a appliqué les codes du luxe au packaging des produits et à l’esthétique des boutiques, notamment l’adresse historique de la Rue du Faubourg Saint-Honoré. Tout cela a constitué une vraie révolution et la maison a d’emblée connu un succès qui ne s’est jamais démenti.
La Maison conserve-t-elle cet esprit d’avant-garde ?
Nous avons préservé cette philosophie et continuons à raconter notre propre histoire, tout en intégrant les évolutions du marché. Les goûts se sont affinés, sophistiqués, et nous devons désormais séduire un public de connaisseurs qui aime la surprise et la nouveauté. Nous sommes fidèles aux produits emblématiques de la maison : la truffe, le praliné ou la ganache (rappelons que Robert Linxe a été baptisé le sorcier de la ganache !) avec de nombreuses variations, et toujours associés à des matières premières d’exception. Nos cacaos sont tous traçables et de pure origine. Nos chocolats sont sans colorant, sans conservateur artificiel, sans huile de palme et réduits en sucre ; à l’image de notre bûche de Noël dernier, produite avec un cacao de Bali cultivé dans une logique environnementale et de préservation du patrimoine. Nous sommes aujourd’hui les pionniers d’un chocolat juste. Un chocolat désirable et durable, en phase avec les attentes de nos clients en termes d’environnement et de santé.
Cette identité tient aussi au talent de Nicolas Cloiseau, meilleur ouvrier de France, en charge de la création des chocolats et des pâtisseries de la maison. Quelles sont ses créations les plus emblématiques ?
La Maison respecte un parfait équilibre entre l’esprit historique de Robert Linxe et le goût de l’innovation de Nicolas Cloiseau qui explore les techniques contemporaines pour multiplier les saveurs, les textures, les formats. Dans le domaine du chocolat, nous avons lancé la tablette Alchimie qui s’imprègne du goût du whisky en fût de chêne mais aussi créé une gamme Insolite à base d’huitre dont les notes iodées, encapsulées dans un mélange de crème et de mascarpone, ravivent une ganache noire. Dernière innovation addictive, ce cookie géant framboise & chocolat, une façon de faire rayonner la maison et de séduire un nouveau public avec des produits d’une grande désirabilité, esthétique et gustative.
La maison n’en conserve pas moins ses produits stars emblématiques en matière de pâtisserie tels que le Pleyel en hommage à la salle de concert face à la boutique historique, et l’éclair Chocolat considéré comme le meilleur de Paris.
Vous êtes à la tête de la maison depuis fin 2024. Comment pensez-vous demain ?
Nous allons continuer à faire évoluer la marque pour la rendre plus luxueuse et désirable encore. Nous allons également miser sur l’expérience client avec un nouveau concept de boutique que nous expérimentons la Place de la Madeleine, pensé dans l’esprit chic et cosy d’un appartement parisien. Nous y travaillons davantage le service, avec une plus large place faite au produit et un espace dégustation aménagé sur une petite terrasse.
Nous comptons aujourd’hui huit boutiques à Paris et 32 à l’international et nous allons poursuivre les ouvertures de façon raisonnée, en France et en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. La marque y est encore peu présente mais elle jouit d’une vraie notoriété. Tout cela offre un réel potentiel, sans compter la renommée du chocolat français, quasiment sans égal à l’étranger. Nous sommes face à des concurrents très qualitatifs et nous devons œuvrer pour conforter cette position qui tient à l’excellence de nos créations. Reste à nous adapter aux goûts locaux avec des gammes spécifiques et aux événements qui rythment l’année, comme le nouvel an en Chine.
La maison du chocolat est membre du Comité Colbert. Dans cette période troublée, le rôle de cette institution qui réunit les maisons du luxe français vous semble-t-il d’autant plus essentiel ?
Nous avons toujours connu des moments incertains. A vrai dire, je pense que nous vivons depuis 40 ans dans une période de doute et de transformation. Face à cela, le Comité Colbert nous permet de parler d’une seule voix, ce qui nous rend plus visible et plus fort. Il constitue aussi une plateforme d’échanges et de partage très précieuse pour conforter les décisions prises et penser ensemble demain, en restant fidèle à nos convictions.
Nous sommes à quelques jours des fêtes de Pâques. Que représente ce moment pour la maison et qu’allez-vous proposer pour séduire, et surprendre, les fidèles de la Maison du Chocolat ?
La période de Pâques n’égale pas celle de Noël en termes d’activité, mais elle constitue un moment clé, comme la Saint Valentin au Japon ou aux Etats-Unis. Nous proposons pour l’occasion un œuf d’exception facetté au logo de la maison, avec une alliance de chocolat et de fruit secs ou un chocolat noir et des noisettes torréfiées. Autant de délices généreux et ultra-régressifs, pour partager aussi les souvenirs heureux de l’enfance.
CREDIT PHOTO :
Portraits Patrick Morlière, (c) Laurent Rouvrais